Assemblée générale du 14 février 2020 - Compte-rendu et motion

Les membres du laboratoire CESSMA se sont réunis en assemblée générale le 14 février 2020 afin de définir la position du laboratoire au regard de la mobilisation contre les retraites et la LPPR.

  • Prenant acte de l’amplification des mobilisations des personnels de l’ESR contre les orientations exprimées dans les rapports préparatoires à la LPPR et les versions intérimaires de la loi rendues publiques, sans oublier les déclarations des responsables de l’ESR (confirmation de la mise en place de tenure tracks, augmentation du % des financements par projet et absence de garantie sur le maintien d’un financement pérenne des laboratoires, absence de perspectives de recrutements sur des postes de fonctionnaires) ;
  • Exprimant leur incompréhension face à l’absence de prise en compte des demandes de la quasi-totalité des personnels de l’ESR qui souhaitent défendre leur service public par l’augmentation des financements pérennes des activités et des postes ;
  • Conscients que des mesures phares de ces réformes ont déjà été en partie préparées et adoptées sans consultation de la communauté de l’ESR dans le cadre de lois diverses (loi PACTE, notamment pour les CDD de chantier et de projet) ;
  • Inquiets du fait que les financements ponctuels prévus pour être accordés à l’ESR dans le cadre de la LPPR ne correspondent pas à l’allocation de nouvelles ressources, mais à l’emploi d’une fraction des économies qui seront réalisées grâce aux baisses des cotisations sur les retraites du personnel de l’ESR, comme explicité par l’article 2 de la version intérimaire du projet de loi en date du 9 janvier 2020 ; inquiets également du fait que le montant de ces financements seront de toute façon largement insuffisants pour répondre aux besoins actuels de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
  • Se félicitant du processus engagé par la mobilisation, qui a conduit à visibiliser les situations de précarité que vivent une part importante de notre communauté et qui concerne au CESSMA en priorité les doctorants et post-doctorants (en charge d’enseignement ou non, étrangers ou français), ainsi que certains chercheurs associés au laboratoire ;
  • Se ralliant en outre aux revendications issus de la coordination nationale des 1er et 2 février 2020 visant à leur ouvrir l’accès à des situations professionnelles stables et dignes ;
  • Parfaitement conscients que les dispositions de la LPPR relèvent de la même logique néo-libérale que le projet de réforme des retraites et les dispositions du nouveau régime d’indemnisation des chômeurs (1e Nov. 2019 et 1 avril 2020) ; souhaitant en conséquence continuer de solidariser les combats menés contre ces réformes imposées contre le corps social, contre les organisations syndicales (et 63,1 % de voix hostiles à la logique du projet de réforme des retraites aux élections de 2017) et dans une grande opacité – on rappelle que la préparation du projet de loi de l’ESR n’est l’objet d’aucune proposition claire de la part des responsables politiques ;
  • Souhaitant défendre le modèle de société solidaire et le service public de l’ESR fragilisés par les réformes dont il est la cible depuis 15 ans, et aujourd’hui par la réforme des retraites ;
  • Persuadés que des financements minimaux équitablement distribués entre les chercheurs permettraient une recherche efficace et de qualité, sans obliger les chercheurs à recourir à des appels à projets dont la gestion bureaucratique induit des gaspillages de temps et d’énergie ; persuadés en outre que la bureaucratisation de la recherche à l’œuvre depuis quinze ans génère des inégalités de statut et d’accès aux ressources, ainsi qu’une compétition destructrice éloignée de la saine émulation qui permet une recherche créative et productrice de résultats ;
  • Désapprouvant enfin la politique de fermeture et de contrôle strict d’entrée et de sortie des bâtiments appliquée par la présidence de notre université dès que des expressions publiques ou des assemblées générales contre les réformes ont lieu, ce qui conduit à priver sans préavis les étudiants, les enseignants, les chercheurs, les gestionnaires et tous les employés de l’université de l’accès à leurs locaux de travail ; désapprouvant en outre l’installation, en cours, de systèmes de surveillance vidéo dans les locaux de notre université ;

ils ont adopté la motion suivante :

  • Les membres du CESSMA invitent les membres du laboratoire, ceux de l’Université de Paris et ceux de l’ESR toute entière à se joindre aux initiatives de sensibilisation et d’élargissement de la mobilisation en vue de la préparation de la journée du jeudi 5 mars 2020, lors de laquelle « l’Université s’arrête » ; ils participeront et encourageront les membres de notre Université de Paris à participer aux événements décidés lors de l’Assemblée générale du site Paris Diderot tenue le 13 février 2020 ; une circulation efficace de l’information sera organisée à cet effet au sein du CESSMA et vers l’INALCO.
  • Ils prendront les mesures suivantes pour rendre possible l’arrêt de l’université à partir du jeudi 5 mars 2020, en lien avec les mots d’ordre de la mobilisation nationale :

•Suspendre sine die l’organisation des événements scientifiques (colloques, journées d’étude, séminaires) prévus après le 5 mars ;

•Engager une grève des d’enseignements, en employant le temps ainsi dégagé pour expliquer aux étudiants les enjeux de la mobilisation en cours, et pour réfléchir collectivement au modèle d’organisation et de financement recherche que nous souhaitons ;

•Entamer une réflexion sur la place effective des financements par projets dans les pratiques actuelles des membres du laboratoire, en recensant les participations aux principaux guichets (H2020, ERC, ANR…), les présentations de projet n’ayant pas rencontré de succès, les activités et postes financés, ceux dont les renouvellement sont suspendus à des financements non pérennes, etc. Ce travail sera réalisé en vue d’une AG qui se tiendra le mardi 17 mars 2020, en marge du conseil de laboratoire ; cette réunion sera l’occasion de mettre à plat et clarifier les positions de notre communauté sur le rôle du financement par projet, et d’aider à déterminer des propositions pour le futur, ainsi que des modes d’action dans le cadre de la mobilisation. Nous sommes déterminés à présenter à différents guichets, dont l’ANR, un « projet » qui reprendra le programme scientifique régulier du laboratoire, exprimé en particulier dans ses axes de travail, en vue de disposer de moyens pour une gestion mutualisée, égalitaire et efficace des fonds ; nous inviterons en outre les autres laboratoires de recherche à en faire de même.

•Organiser à partir du 5 mars, en lien avec d’autres unités de l’Université de Paris, un rassemblement de débats sur la place des doctorants dans la recherche, sur leur condition sociale et de travail ; nous souhaitons ainsi aider à comprendre les meilleures manières de les intégrer à la vie scientifique de l’ESR, à la hauteur de leur contribution décisive aux activités scientifiques et en prenant en compte les fragilités qui caractérisent leur position ; une attention particulière sera accordée aux situations des doctorants étrangers, en lien avec les groupes de travail montés dans ce sens dans le sillage de la coordination nationale des facs et labos en lutte des 1er et 2 février 2020.

  • Les membres du CESSMA affirment enfin leur solidarité pleine et entière avec nos collègues du CERI, SciencesPo, retenus comme prisonniers scientifiques en Iran par le groupe des Gardiens de la révolution, Fariba Adelkhah et Roland Marchal ; leur emprisonnement est une attaque violente contre la liberté académique ; nous tenons à rappeler que la meilleure garantie pour poursuivre des travaux indépendants, de qualité, et permettant l’accumulation de connaissances approfondies sur des terrains difficiles d’accès, à l’image de ceux que ces derniers ont produits, est de permettre l’existence de postes et de crédits de recherche pérennes.
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